Livres amina el alami alaoui il était une fois le Maroc

"Ombres sur l'amandier" est une saga familiale qui retrace l'histoire récente du Maroc. Amina el Alami Alaoui y évoque des événements majeurs qui ont marqué les premiers temps du protectorat.

FDM D’où est née l’idée de ce roman ?

Amina El Alami Alaoui : Je nourris ce projet depuis longtemps. J’ai d’ailleurs rédigé ce premier volume il y a quelques années. Ecrire est une chose, mais publier en est une autre. J’ai finalement sauté le pas. Etant la fille de Mohamed Benlarbi el Alami, un des signataires du Manifeste de l’indépendance du 11 janvier 1944, il m’est difficile de rester insensible à cette époque. J’ai en effet toujours baigné dans cette ambiance liée à l’histoire du Maroc. On me racontait souvent ce qui s’était passé dans les années 40 et 50. Une histoire nourrie d’anecdotes, d’événements tragiques, de destins brisés… Concernant la période qui a vu la naissance du protectorat, je manquais de témoignages oraux. Cependant, mon roman n’a certainement pas la prétention d’être un livre d’histoire.

D’où avez-vous pris connaissance d’autant de détails sur cette époque ?

Pour écrire ce roman, il a fallu que je lise des livres d’histoire, que j’interroge des femmes de la génération de ma mère. J’ai fait appel à cette mémoire qui se perpétue, principalement chez les Marocaines. J’ai passé de très longs après-midi auprès de ma maman, qui me racontait son quotidien et les événements marquants de la famille ; tout ceci enrichi de descriptions forts précieuses. J’ai aussi eu la chance de m’entretenir avec Lalla Hniya Alaoui, qui est la veuve de l’un des leaders du mouvement national, Si el Kebir el Fassi. Ma tante, Farida Benkirane el Alami, a de son côté mis l’accent sur le raffinement de la vie à Fès.

Serait-ce un hommage que vous rendez à toutes ces femmes ?

Les femmes de cette génération ont subi des situations très dures : elles ont souffert, lutté à leur manière en soutenant leur mari,leurs frères, leurs fils. Certaines ont pris les armes, d’autres ont pris des risques. Je me suis dit qu’il y avait une injustice quelque part et qu’il fallait leur rendre hommage. Ce qui m’intéressait, c’était d’essayer d’imaginer ce qu’était leur vie, leur quotidien et de montrer qu’elles n’étaient pas de simples spectatrices, des êtres soumis.

Pourquoi avoir remonté aussi loin, en 1912 plus précisément ?

Je ne pouvais logiquement pas commencer mon récit dans les années 40. Il fallait que je remonte à la naissance du protectorat. Je me suis longtemps posé la question sur ce que signifiait cette date dans l’esprit des Marocains. Le 30 mars 1912 est ainsi devenue une date de structuration du récit, qui s’y réfère implicitement ou explicitement. La convention de Fès a été un véritable coup de tonnerre, qui a probablement réveillé les consciences. Comment alors s’opposer à ces nouveaux maîtres du pays ? La préservation des traditions était un des moyens, c’était une forme de résistance passive. Il fallait à tout prix rester attaché à ses traditions pour ne pas perdre son identité. Mais la rencontre de deux mondes allait immanquablement bouleverser les mentalités.

Quelle histoire raconte votre roman ?

Celle d’une famille bourgeoise de Fès, à travers laquelle je raconte la vie quotidienne. J’ai tenté de décrire les souffrances, les espoirs, les désirs, les peurs de ses membres dans un monde en plein bouleversement, puisqu’ils doivent affronter un événement inédit, d’une ampleur considérable. Le personnage principal est Lalla Joumanah, une personne exceptionnelle. Pour moi, il s’agissait de montrer que la femme jouait un rôle important dans sa demeure et qu’elle avait eu l’intuition des changements à venir et du rôle qu’elle aurait un jour à jouer. Certes, toutes les femmes n’exerçaient pas la même influence sur leur entourage. Certaines étaient effacées. Mais il y avait aussi des femmes de tête, d’une rare intelligence. Je raconte aussi la manière dont s’est instauré le protectorat. Je me suis également intéressée au nord du pays, car Lalla Joumanah est originaire du Nord.

Vous êtes-vous inspirée d’histoires et de personnages qui ont réellement existé ?

C’est une fiction. C’est l’histoire d’une famille purement imaginaire sur une toile de fond historique. Les personnages sont inventés, mais cela ne signifie pas que l’inspiration ne prenne pas sa source des choses vues, lues, entendues ou apprises.

Le roman est ponctué d’histoires de coeur. Est-ce possible d’en vivre autant dans une société aussi conservatrice ?

Les histoires de coeur ont toujours existé, mais elles restaient discrètes, voire secrètes. Pour les hommes, la société était plutôt permissive à l’époque. Ils avaient plusieurs femmes, des concubines. Certains fréquentaient le quartier des prostituées. Par contre, c’était une société très conservatrice à l’égard des femmes.

Vous dressez un portrait très touchant de l’émir Abdelkrim. N’était-ce pas délicat de tracer cet épisode de notre histoire ?

Il se trouve que j’ai interviewé la fille de l’émir Abdelkrim, Lalla Aicha Boujibar. Je lui ai demandé de me parler de l’homme. Ce qu’elle a fait. Elle m’a raconté la souffrance de sa mère et des femmes lorsque les hommes allaient à la guerre. Rien ne leur a été épargné. Les puits empoisonnés, les privations, le froid, la chaleur, les maladies, la peur au ventre, la mort qui rôdait dans les montagnes… Quant à la deuxième partie de votre question, je ne veux pas faire d’idéologie et encore moins de politique. C’est un sujet sensible mais il me semble que l’on ne peut pas occulter la bataille d’Anoual, ni la guerre du Rif. Il ne faut pas oublier non plus que la guerre s’est étendue dans la zone sous protectorat français et qu’elle a fortement contribué à la chute de Lyautey. On ne peut pas nier que l’émir a mis en déroute une armée puissante à Anoual, et a tenu tête à deux armées modernes. Imaginez que deux armées ont uni leurs forces et ont même utilisé l’arme chimique pour venir à bout de quelques milliers de combattants. Comment cet homme a-t-il pu résister à deux armées aussi puissantes que celles de la France et de l’Espagne ? Au départ, il faut savoir qu’Abdelkrim n’avait pas du tout l’intention de mener une guerre contre l’Espagne. Il était lui-même très proche des Espagnols. Il a vécu à Melilla où il a été cadi. Rien ne le prédestinait à devenir un chef de guerre. La vie en a décidé autrement. Il ne faut pas avoir peur de l’histoire de son pays, il faut l’assumer. Celui qui craint le passé redoute l’avenir. Je ne sais pas si j’ai lu cela quelque part, mais c’est ce que je pense.

C’est le premier tome d’une trilogie. Quelle sera la suite ?

C’est en effet une trilogie. Si la vie m’est clémente, vous connaîtrez la suite qui sera dans la continuité de cette trame.

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